Monologues et dialogues

La Sonate Waldstein

Ce matin, j’écoutais la sonate « Waldstein » de Beethoven. Je ne savais même pas ce que j’avais mis dans le lecteur CD (oui, je suis archaïque). J’ai pigé un truc au hasard dans la section « classique » de ma collection pour faire la vaisselle, chose que je fais souvent pour vider ma tête de pollution. Mais cette fois-ci, je suis tombé sur quelque chose de familier dont j’avais oublié le nom et même la teneur. Ça m’a un peu surpris.

J’ai croisé cette sonate pour piano une poignée de fois pendant mes études. La dernière fois devait être il y a huit ans. Quand on étudie la théorie musicale, on regarde des partitions sans trop porter attention à l’effet des notes qu’on fixe des yeux depuis une heure. On tente d’apprendre un langage, une syntaxe, des expressions familières. On suit des yeux le génie qui demandait plutôt à être entendu. On manque en quelque sorte l’essentiel de la pièce : son âme. En même temps, c’est un mal nécessaire pour un apprenti musicien. Sans doute, Beethoven nous l’aurait pardonné.

Or, ce matin m’a offert une nouvelle perspective sur cette pièce. J’ai pu sentir toute sa charge et son poids. Le recul avait fait son oeuvre. Toutes les techniques, les structures et les formes que j'étudiais autrefois disparurent et firent place à l’humanité de la pièce. Une humanité typiquement germanique. C’est jours-ci, très peu de choses me font autant de bien que la musique allemande. Pas un compositeur en particulier, mais bien l’ensemble de l’œuvre. C’est qu’on y retrouve, à l’image de l’humanité, de tout ce qu’on peut imaginer. Du plus complexe au plus simple, du plus utile au plus agréable, du plus sublime au plus malaisant. Chacune de ces qualités vaut la peine d’être exprimée et entendue. Si on n’exprimait que le beau, on serait en train d’ignorer la souffrance. Et inversement, sans la beauté il n’y aurait pas d’espoir. Mozart et Schönberg sont deux compositeurs assez symétriques. Mais quand on les écoute côte à côte, l’un nous enrobe d'élégance, et l'autre de confusion. J’adore ce paradoxe. Et quand j’écoute Beethoven, je pense à toutes ces facettes, tous ces paradoxes, comme s’il les incarnait tous.

La sonate Waldstein, pour moi, c’est où le sournois rencontre la tendresse. Mon expérience de ce matin a été un brin de nostalgie qui serre la main au présent. Mais surtout, elle m'a rappelé la liberté que j'ai de ressentir plutôt que d’analyser. Ce matin, c’est ce que cette pièce familière m’a apporté de nouveau.

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